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Matière à Projet / Odile Duboc Version imprimable Suggérer par mail

Taktik, février 1996

 

Matière à Projet

 

En programmant, Projet de la matière, vendredi 26 janvier, au théâtre Toursky, Marseille Objectif Danse nous a fait partager un moment de danse d’une très rare qualité.

Certaines pièces parviennent à faire oublier au spectateur la notion du temps, à happer son regard jusqu’à lui faire oublier la distance qui le sépare de la scène, des danseurs. Sans qu’il y prenne garde, il se retrouve entraîné dans un univers.

« Je cherche à créer un trouble, provoquer un vertige par des images et des sensations qui déstabilisent notre perception… » En quelques mots, Odile Duboc résume ses objectifs pour Projet de la matière. Pari tenu donc pour ce travail chorégraphique impressionnant. Elle a collaboré ici avec Marie-José Pillet, plasticienne, qui explore l’art du tactile. Des volumes créés, il ne reste que peu de traces solides sur la scène, seul le corps des danseurs en a gardé une mémoire palpable. Ils s’abandonnent à la matière, se fondent dans des formes rondes, se heurtent à la dureté du sol, d’un mur ou encore se glissent vers le sol qui sans peine se transforme en mer. Les mouvements sont alors reptiliens ou aquatiques, ces corps poissons frétillants ou agonisants en sursaut, s’échappent doucement pour rejoindre les éléments. Entre équilibre et vertige, la danse d’Odile Duboc transporte aux limites des lois de la gravité. L’air, l’eau, le vent, la terre, les éléments se dessinent sous les corps devenus matière à danser, à illusions. Loin de la danse spectacle, de la performance, au sens où on l’entend aujourd’hui, sans fioritures, la chorégraphe parvient dans un parfait dépouillement à créer une magie, une atmosphère d’intimité. Tous les sens sont touchés. La bande son réalisée par Olivier Renouf rend encore plus visibles ces sensations imperceptibles. Les limites entre monde extérieur et intérieur deviennent au long de la chorégraphie, de plus en plus floues. Lorsque la pièce s’achève, on garde le sentiment d’avoir fait un voyage étrange, presque tranquille. Projet de la matière est une exploration des corps et des sens. Matière organique qui progressivement se construit.

 

Murielle Fourlon