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Naissance de Dieu ? Version imprimable Suggérer par mail

Rencontres d'Averroès, 2004

 

Abraham, Moïse, Jésus, Mahomet et les autres…

Poser la question de la naissance de Dieu suppose de prendre du recul, de s’inscrire dans un temps long. Pourquoi et comment l’idée de Dieu naît dans l’esprit de l’homme ? Vouloir y donner des éléments de réponse signifie que nous sommes dans la réflexion et que nous pouvons nous mettre dans une situation favorable à la compréhension d’un sujet si complexe et qui déchaîne autant de passion. Comme le rappelait Thierry Fabre dans l’article de présentation générale des Rencontres d’Averroès, cette question ne se posait sans doute pas avec autant d’acuité, il y a une vingtaine d’années. Aujourd’hui, la connaissance des trois religions monothéistes qui ont pris naissance en Méditerranée semble indispensable pour dénouer les passions.

ImageNous connaissons mieux l’histoire de ces trois religions grâce au travail des historiens et des archéologues. Il n’est évidemment pas question de remettre en cause la foi, la croyance qui reste encore dans la sphère du privé, mais plutôt de mettre en lumière des croisements et des héritages communs.

Ainsi lorsque l’assyriologue anglais, Georges Smith, annonce devant l’assemblée de la Society of Biblical Archeology, en 1872, qu’il vient de découvrir sur une tablette de Ninive un récit du Déluge qui rappelle celui de la Bible. Celle-ci aurait donc reçu des influences mythologiques païennes du Proche-Orient. On retrouve deux récits babyloniens évoquant le déluge, le plus ancien dans le mythe d’Atrahasîs, l’Epopée de Gilgamesh [XVIIe siècle avant notre ère]. Jean Bottéro souligne que cette découverte place la Bible dans le courant de la littérature universelle et prenait place parmi la chaîne sans fin des œuvres rédigées par les hommes, avec cet enchevêtrement de création originale et de dépendance à l’égard de sources préalables, de faillibilité et de clairvoyance, qui marque tout l’avancement de la pensée humaine. (1)

La Bible fait donc partie de notre héritage culturel au même titre que L’Iliade et l’Odyssée, ou les textes des philosophes grecs.
Ce n’est pas un texte unique mais une compilation ou plutôt une bibliothèque qui comprend plusieurs livres. La Bible a fait l’objet de remaniements et de traductions suivant ainsi l’histoire du peuple juif. Au 1er siècle de notre ère, les juifs sont exilés en Egypte, la langue hébraïque devient peu à peu une langue morte, pour des besoins de transmission des préceptes de la religion, les textes sacrés seront traduits en grec. Cette bible grecque ou Septante (2) sera commentée par Philon d’Alexandrie, un intellectuel juif hellénisé, qui, tout en restant attaché à la religion des Pères, introduit les concepts philosophiques de Platon, de Pythagore et des Stoïciens. C’est un des exemples de synthèse de cultures qui place Dieu au centre de la réflexion et donne la Loi comme règle de vie. C’est une rencontre entre le judaïsme, l’hellénisme et la romanité. Or paradoxalement la Bible grecque sera abandonnée par les juifs, mais deviendra celle des chrétiens. Le christianisme naît au sein du judaïsme, Jésus et ses disciples sont juifs et ont pour référence les Ecritures Saintes. Ceux que l’on désignera sous le nom de chrétiens prennent leur distance avec la religion juive, tout en intégrant toute une partie de la culture religieuse, ils relèguent la Bible sous le nom d’Ancien Testament pour en rédiger un Nouveau. Il y a là encore une histoire de continuités et de ruptures.
Le Coran est le dernier livre des trois religions monothéistes, il reprend tout l’héritage biblique. Il s’inscrit dans l’histoire de ces deux religions, mais si Mahomet a reçu la Révélation d’Allah, c’est parce que les deux précédentes, au fur et à mesure, ont oublié la vraie parole de Dieu.
La question du monothéisme est importante. C’est parmi des peuples polythéistes que le judaïsme émerge. Il semblerait qu’au tout début, le judaïsme est monolâtre, c’est-à-dire que les juifs n’adorent qu’un seul dieu en admettant que les autres puissent en adorer d’autres, ce serait à partir de leur premier exil que le monothéisme, le Dieu universel et le seul possible se soit imposé. Le monothéisme serait-il né de la confrontation avec les autres ?
L’histoire de ces trois monothéismes est riche et complexe, faite d’entrelacs et de rejets de l’Autre ou des autres, de brassages, de carrefours parce qu’elle est avant tout l’histoire des hommes.

Pour nous guider à travers ce dédale de questionnements, quatre invités, historiens, sociologues, spécialistes de l’histoire des religions, Abdelmajid Charfi, professeur à l’université de Tunis, Samir Khalil Samir, professeur libanais spécialiste des religions au Proche-Orient, Mireille Hadas Lebel, professeur à la Sorbonne et Gilles Dorival, professeur à l’université de Provence.

Murielle Fourlon 

(1). Jean Bottéro, Naissance de Dieu, La Bible et l’historien [Paris, Gallimard, 1986]
(2). La Septante, première traduction de la Bible hébraïque faite en grec. Elle doit son nom au nombre des traducteurs [72 ou 70 au total], chacune des douze tribus d’Israël étant représentés par six traducteurs, selon la légende elle aurait été écrite en 70 jours et 70 nuits.