Rencontres d'Averroès, 2006 "Le futur se nomme incertitude"1Le titre de ces 9es Rencontres d’Averroès résonne comme un écho à un autre titre : “Inventer la paix“, celui des troisièmes Rencontres, en 1996. Serions-nous passés, en six ans, d’un espoir possible, d’un optimisme raisonné à un constat froid, un pessimisme d’actualité ?
 Chaque jour, un déluge d’images déferle sur nos écrans de télévision, les mots empruntés à un vocabulaire guerrier scandent l’information nationale et internationale. Mais il y a aussi la violence du silence, les images qu’on ne voit pas et les informations qu’on ne reçoit pas. Celles qui demeurent invisibles parce qu’elles sont censurées par les gouvernements ou par les journalistes eux-mêmes et qui n’en produisent pas moins des fantasmes inquiétants. Un conflit est au cœur de l’actualité, un autre est passé sous silence. La mort des uns ne vaut rien ou pas grand-chose par rapport à celle des autres. Nous restons perplexes, hébétés et dans le pire des cas nous subissons l’indifférence parce que nous ne pouvons rien faire, nous sommes entraînés dans ce tourbillon et cela nous échappe. Ces neuvièmes Rencontres d’Averroès ont pour objectif d’apporter des éléments de repère et de réflexion sur le monde tel qu’il va et sur le monde méditerranéen en particulier. La Méditerranée est le foyer de rencontres et d’échanges mais aussi la “mère de toutes les batailles“ et berceau des trois monothéismes. Aujourd’hui, elle reflète les fractures du monde. Elle cristallise la haine et la violence, mais elle suscite la rencontre aussi. “Le 11 septembre 2001 est noté comme une date historique (ou faut-il plutôt noter comme une fin historique, comme un nouveau calendrier annonçant la fin de la modernité progressiste ?)“. Nilüfer Göle2 partage l’idée que le monde ne sera sans doute plus comme avant, il y a un avant et un après 11 septembre. Et voilà le vocabulaire guerrier qui reprend de la force et de la vigueur mêlé d’obscurantisme. Les intégrismes s’affrontent au nom de Dieu, guerre sainte ou jihad d’un côté, guerre contre les forces du mal ou croisade de l’autre. Nous sommes tenus de choisir notre camp. “Avec ou contre nous“, déclare le gouvernement américain à la veille d’une possible guerre contre l’Irak. La violence et le sacré, titre emprunté à un livre de René Girard et intitulé de la première table ronde propose de réfléchir sur les fondements et l’évolution des trois religions monothéistes, ces trois religions jumelles qui pour certains restent des remparts à la violence et qui pour d’autres en sont l’origine ou le facteur. La seconde table ronde s’intéressera aux images de la violence, historiens et cinéastes exposeront leurs réflexions sur les imaginaires de la violence et les figures de haine. La dernière table ronde sera consacrée aux politiques de la violence et aux politiques de civilisation. Le conflit Proche-Orient, omniprésent dans l’esprit de chacun sera au cœur des réflexions. L’objectif de ces nouvelles Rencontres d’Averroès est de regarder la réalité en face. Des philosophes, des cinéastes, des anthropologues, des historiens, des spécialistes en science politique et des sociologues tenteront d’apporter des éléments de compréhension à cette situation de guerre et de haine. Une fois la compréhension esquissée, la volonté clairement affichée est de se donner les moyens de surmonter cette haine. Comme l’observe le sociologue Edgar Morin : “Sachons donc espérer en l’inespéré et œuvrer pour l’improbable. Le principe d’espérance peut être restauré, mais sans certitude “scientifique“, ni promesse “historique“. C’est une possibilité incertaine, qui dépend beaucoup des prises de conscience, des volontés, du courage, de la chance… Aussi, les prises de conscience sont devenues urgentes et premières“. Murielle Fourlon
1. Titre emprunté à Edgar Morin, Confluences, 1998. 2. Sociologue dont les recherches portent sur tous les mouvements islamistes, a participé aux Rencontres d’Averroès en 2001. |