Penser les deux rives de la Méditerranée |
Rencontres d'Averroès, 1994
Penser les deux rives de la Méditerranée
EDITO
Nous sommes habitués à penser la Méditerranée comme une zone de fractures et non plus comme un lien d'échanges. Là où les nationalismes se réveillent, où les obscurantismes s'exacerbent, où la peur de l'autre l'emporte sur le désir de le connaître, comment renouer des liens ? Comment reconstruire des ponts ? Chaque jour l'actualité met en relief les déchirures que vivent les pays du pourtour méditerranéen. La guerre en ex-Yougoslavie, la guerre civile en Algérie, la paix si fragile au Proche-Orient, la reconstruction chaotique et difficile du Liban sont autant d'exemples qui viennent affirmer que décidément ces hommes et ses femmes ne peuvent plus s'entendre. Pourtant, il y a en des exemples d'échanges et d'entente dans l'histoire. Des périodes, des pays, des villes où les communautés coexistaient, se toléraient. Le modèle andalou est un exemple. Des villes comme Beyrouth ou Sarajevo en ont été d'autres avant de sombrer dans la folie meurtrière. « Ce qui a été sera, pourvu qu'on s'en souvienne » cette phrase d'Aragon reprise par l'institut du Monde Arabe résume bien le but des rencontres d'Averroès qui se dérouleront les 11 et 12 novembre à Marseille. Le choix d'Averroès, peu connu du public, s'explique parce qu'il représente le croisement de trois cultures à l’époque où l'Andalousie était arabe. Européen arabe, né à Cordoue, il a été le traducteur et le commentateur du philosophe grec Aristote. Il a, par ses travaux, introduit la philosophie aristotélicienne en Europe. Durant deux jours, des philosophes, des historiens et des écrivains interviendront sur trois thèmes : « Autour du personnage d'Averroès », ils évoqueront « Les sources arabes de la culture européenne » et donneront des éléments de réponse à la question : « Y a-t-il un modèle andalou où comment vivre ensemble dans la diversité ? » En partenariat avec l'office de la culture de la ville de Marseille, France-Culture et Libération, l'Institut du Monde Arabe (IMA) organise ces Rencontres au théâtre des Bernardines. L'idée est de faire de Marseille « un pôle de réflexion sur la Méditerranée », selon les propos de Thierry Fabre, directeur de communication de l'IMA et rédacteur en chef de la revue Qantara (Qantara signifit pont en arabe). « Penser la Méditerranée des deux rives » à Marseille est un symbole : quelle ville française plus que Marseille pouvait se sentir concernée par ce sujet ? N'est-elle pas le point d'entrée majeur de la France et de l'Europe en Méditerranée ? C'est aussi une manière de renouer ou de continuer l'esprit des Cahiers du Sud, son directeur, Jean Ballard voulait lui aussi faire de sa ville « un foyer de culture et d'attraction intellectuelles ». A l'heure où l'on parie beaucoup sur le projet Euro-Méditerranée, il semblerait qu'il y ait une réelle volonté politique d'inscrire le projet économique dans un travail de réflexion. Les Rencontres d'Averroès ouvrent des espaces de dialogues sur ce qui nous sépare et ce qui nous rassemble d'une rive à l'autre, du Nord au Sud et nous rappelle que nous avons un héritage commun. C'est une manière de faire un pas vers l'Autre. Averroès, un Arabe européenAverroès, pour les Latins, ibn Rushd pour les Arabes et Ben Rushd pour les Juifs, trois noms pour un même homme. Trois noms donnés par les trois communautés religieuses qui coexistaient dans l’Andalousie arabe. Averroès est né à Cordoue en 1126 et est mort à Marrakech en 1198. Il fut juriste, médecin et philosophe. Personnage ambivalent, puisqu'en tant que philosophe il prônait l'autonomie de la philosophie mais en tant que Qadi (autorité locale chargée de dire le droit) il faisait respecter la loi, or, dans la religion musulmane le juridique et le religieux ne sont pas abordés de la même façon. En 1182, le roi Yusuf en fait son médecin personnel. De ces multiples fonctions, celle de philosophe prévaut. Ibn Rushd dont la renommée s'est propagée dans toute l'Europe avant de tomber dans l'oubli, reste avant tout le grand traducteur et commentateur d'Aristote. Il est le diffuseur de la pensée du philosophe grec qui va permettre à la rationalité philosophique européenne de se construire. Averroès a eu nombre de défenseurs et autant de détracteurs. Ses disciples appartenaient aussi bien à la communauté juive qu'à la communauté chrétienne. Ensembles, ils ont contribué à l'essor d'un mouvement : l'averroïsme. Ce mouvement se développe au XIIIe siècle, connaît son apogée dans l'Italie des XIVe et XVe siècle. La thèse principale d'ibn Rushd est la suivante : la philosophie a pour but l'étude de l'univers afin de parvenir à la connaissance de son créateur Dieu. La loi religieuse ordonne de s'instruire par la contemplation de l'univers, la loi religieuse ordonne donc l'étude de la philosophie. Le philosophe légitime en religion le recours à la philosophie. Il n'est cependant pas question pour lui de remettre la religion en question : « les meilleurs parmi les philosophes ne permettent pas des controverses portant sur les principes de religion (...) ». Cet homme qui a irrigué toute la pensée philosophique occidentale n'est pas enseigné aujourd'hui. Une des raisons de cet oubli est le développement très important du mouvement anti-averroïste, parallèle à celui de l'averroïsme. Un de ses plus grands détracteurs fut quelqu'un de très célèbre pour nous Thomas d'Aquin. Le reproche principal sous couvert de controverses philosophico-religieuses est qu'Averroès était arabe. Et il n'était pas question pour des hommes qui engageaient à la reconquête de la Terre Sainte de reconnaître qu'un « Sarrasin » puisse être une courroie de transmission de la culture grecque. En 1310, Raymond Lulle demandait « la réunion de tous les religieux-soldats pour faire une guerre incessante jusqu'à la reconquête de la terre sainte et une action rapide des catholiques intelligents contre la doctrine d'Averroès »*. La Renaissance n'aura de cesse de reprocher aux Arabes d'avoir coupé les liens directs avec la philosophie grecque. Reparler d'Averroès aujourd'hui c'est réhabiliter une période de l'histoire peu connue du public, niée souvent pour des raisons idéologiques. Période où le modèle andalou prouvait que les communautés religieuses coexistaient sans se déchirer. C'est aussi montrer que l'apport des Arabes a été fondamental, que l'héritage gréco-romain n'est pas l'apanage des occidentaux. Faire d'ibn Rushd le symbole des rencontres qu'organisent l'Institut du Monde Arabe, c'est réaffirmer l'existence d' « hommes-ponts », de passeurs de culture. * in « Averroès et l’Averroïsme » Maurice-Ruben Hayoun et Alain de Libéra. Que sais-je? 1991L'héritage ArabeLes arabes arrivent au Vlle siècle sur les rivages de la Méditerranée. Ils resteront en Europe du Sud de 711, date de la prise de deux villes espagnoles Tolède et Cordoue, jusqu'à la chute de Grenade en 1492. Les arabes étendent leur domination par la religion en assujettissant les pratiquants des précédentes « religions du Livre », c'est à dire les religions juives et chrétiennes, à la communauté des croyants. La religion musulmane domine mais tolère les autres. Les différentes communautés religieuses ont leurs représentants. C'est ce qui explique la possibilité d'un système pluri-communautaire. L'héritage que l'on appelle arabo-andalou correspond à la période où l'Andalousie était sous domination arabe. A cette époque, les communautés vivaient les unes à côté des autres. C'est devenu un modèle parce qu'elle a été le lieu de brassage culturel. Il représente un certain art de vivre : la convivencia. Les arabes ont transmis aux européens des techniques, ils ont servi de relais à des civilisations plus lointaines comme la Chine ou la vieille Egypte. Ainsi ils ont amené la voile latine, la carte nautique, la boussole, le papier, la soie, la poudre. Notre langue s'est enrichie de plus de trois cent mots tel que alcool, alcôve, guitare pour n'en citer que quelques uns. Ils ont introduit la philosophie grecque. Cet héritage est encore présent en Andalousie, on retrouve la musique arabo-andalouse de l'autre cité de la méditerranée sur les rives du Maghreb. Le célèbre architecte espagnol Gaudi s'est beaucoup inspiré de l'art mudéjar, rencontre des différentes cultures. Il a étudié l'art musulman, la construction des mosquées. La culture arabe a enrichi la culture juive, la poésie juive lui doit l'essentiel de ses techniques prosodiques. Haïm Zafrani, professeur et spécialiste d'hébreu et du monde sépharade, parle de civilisation judéo-musulmane. « L'Age d'or d'El Andalus dont se réclament encore les descendants des grandes familles juives et musulmanes expulsées de la péninsule ibérique à la fin du XVe siècle, étaient l'apanage des cités symbiotiques jumelles, Fès et Cordoue, Ceuta et Lucena, Tétouan et Grenade... qui en revendiquaient à égalité le patrimoine culturel. »* Reparler de civilisation judéo-arabe c'est une autre façon d'évoquer les relations qu'entretiennent les juifs et les arabes au Proche-Orient. Les communautés juives et chrétiennes se sont abreuvées du savoir et de la culture arabe. L'héritage arabe est donc important pour la civilisation européenne. Aujourd'hui il est nécessaire de le souligner, il rectifie un peu la conception européenne qui veut que les pays arabes soient catégorisés dans deux grands groupes : les pays sous-développés et les pays exportateurs de pétrole. Ces pays ont une histoire et celle-ci n'est pas si éloignée de la notre. Murielle Fourlon*in Revue de l’Institut du Monde Arabe, Qantara.Un exemple de cosmopolitisme : Marseille « Comment vivre ensemble dans la diversité ? ». Question posée à Emile Témime, spécialiste de l'histoire des migrations. Il a publié récemment « Migrances : Histoire des Migrations à Marseille ». Murielle Fourlon : Marseille est une ville cosmopolite ? Emile Témime : Le cosmopolitisme est une vieille tradition à Marseille. C'est une zone frontière, de rencontres, d'ouverture. Les populations passent par le port, arrivent et partent. Le point commun avec d'autres villes méditerranéennes telle Alexandrie, c'est le port. Elle établit la liaison du Nord au Sud, les gens venus du Nord se retrouvent devant un monde méditerranéen. Monde cosmopolite qui se projette. Murielle Fourlon : Est-ce une ville de tradition de tolérance religieuse ? Emile Témime : Au 18e siècle, l'Eglise Catholique condamne les autres religions mais sans parvenir à les interdire, il s'agit plus d'une tolérance de fait. A l'époque où Marseille était un grand port, elle accueillait des cultures étrangères qui avaient des pratiques religieuses diverses. A la Révolution Française, comme les autres villes françaises, elle devient une ville de tolérance religieuse. Cette tradition de brassage de cultures a facilité les choses. Murielle Fourlon : La fonction portuaire est encore importante à Marseille ? Emile Témime : Cela peut étonner, la crise portuaire est ancienne, celle du passage des hommes est plus récente. Pourtant la fonction portuaire l'emporte encore. Les liens avec l'Afrique du Nord, hommes et marchandises sont constants. Pour revenir sur le cosmopolitisme, il y a des particularités marseillaises, par exemple les « communautés d'appel. » Le cas arménien illustre bien ce phénomène. Au début du 20e siècle, la vague de migration arménienne a été massive. Ils ont gardé jusqu'à aujourd'hui une très forte identité. Plus récemment, une autre vague, moins importante est arrivée. Les nouveaux arrivants n'avaient pas beaucoup de points communs avec les anciens, pourtant parce qu'il existait une présence arménienne, ils sont venus s'installer à Marseille. Les Algériens sont aussi ce que j'appelle une communauté d'appel. Les Algériens qui sont venus travailler en France appellent ceux qui aujourd'hui fuient leur pays. Murielle Fourlon : On dit souvent que Marseille ressemble à une ville comme New York ? Emile Témime : Il y a une ressemblance avec les villes américaines, la fonction portuaire l'emporte sur d'autres fonctions comme c'est le cas à New York. C'est un cosmopolitisme de passage, de voyage. Murielle Fourlon : Peut-on appliquer le modèle andalou à Marseille ? Peut-on parler de coexistence de communautés religieuses ? Emile Témime : Dans le système andalou, l'élément religieux est très important. La dominante islamique se ressourçait d'une façon culturelle et économique dans les autres communautés. Or le système français n'est pas une système de communautés. Donc Marseille ne s'inscrit pas complètement dans ce modèle. Les trois grandes religions sont représentées, c'est-à-dire la religion chrétienne, les catholiques et la minorité protestante, la religion juive et la religion musulmane. Les musulmans représentent une part importante à Marseille, pourtant il n'y a pas de Grande Mosquée. C'est toute l'ambiguïté de cette ville. Elle pratique une tolérance de fait mais refuse de l'afficher. On sait où se trouvent les choses, mais on n'en parle pas. Malgré quelques fois une coexistence difficile entre les communautés, elles ne dérapent pas dans la violence, dans les affrontements brutaux. Il est important d'évoquer les liens entre Marseille et l'Afrique du Nord. Le cosmopolitisme marseillais c'est aussi celui qui existait en Algérie pendant la colonisation. Il y avait une culture spécifique, un comportement commun des populations qui vivaient en Algérie. Populations diverses, françaises, italiennes, espagnoles, arabes avec des pratiques religieuses diverses juives, chrétiennes, musulmanes se côtoyaient. C'était un brassage du monde méditerranéen occidental. Quand les rapatriés sont rentrés, beaucoup se sont installés à Marseille, les Italiens ont suivi les Français, ils ne sont pas retournés en Italie qu'ils ne connaissaient pas, bien souvent. Ils sont allés la où des gens avaient la même habitude de vie qu'eux. Murielle Fourlon : L'époque coloniale en Afrique du Nord peut-elle être vue comme un exemple de cosmopolitisme ? Emile Témime : Il n'y a pas de mélange, ni de brassage absolu, cependant les liens étaient profonds même si les affrontements étaient parfois violents. Marseille a servi de réceptacle à ces populations. Les communautés religieuses juives et musulmanes vivent à Marseille, ce monde a l'habitude de communiquer. Murielle Fourlon : Aujourd'hui que représente le modèle andalou ? Emile Témime : C'est une référence, un modèle qui s'est traduit dans un échange dans la langue, dans la musique, dans une culture spécifique à cette période. Seul un monde de tolérance permet ces passages. Murielle Fourlon : Que représentent pour vous les Rencontres d'Averroès ? Emile Témime : Elles sont organisées par l'Institut du Monde Arabe, or l'Institut est un endroit de passage de la culture du monde arabe. L'intérêt de ces rencontres est de montrer à travers un rappel du passé ce qui a existé. Cœxistence de communautésRobert Ilbert, professeur l'histoire à l'Université de Provence, spécialiste des villes méditerranéennes interviendra lors de la troisième rencontre : « Y a-t-il un modèle andalou ou comment vivre ensemble dans la diversité ? » Murielle Fourlon : Vous avez travaillé sur les villes méditerranéennes et en particulier sur la ville d'Alexandrie dans la période 1860-1960, pourriez-vous nous dire en quoi Alexandrie a été un modèle de ville cosmopolite ? Robert Ilbert : Comme d'autres villes méditerranéennes, telles Smyrne ou Beyrouth, Alexandrie fut considérée comme un modèle de fonctionnement cosmopolite. Je me suis attaché dans cette étude à démontrer qu'Alexandrie avait un fonctionnement pluricommunautaire plus qu'un véritable cosmopolitisme comme peut le montrer New York par exemple. J'emploi le mot communauté à partir du moment où un individu est défini par sa religion. Un système pluricommunautaire est un système où coexistent plusieurs communautés religieuses, où elles se tolèrent sans pour autant se mélanger. Ce système de fonctionnement a bien marché, lorsque les équilibres ont été rompus, les communautés se sont déchirées. L'exemple de Beyrouth est éloquent. Murielle Fourlon : Pensez-vous que les villes méditerranéennes ont encore des rapports étroits, des points communs ? Robert Ilbert : Au 19e et 20e siècles, les villes méditerranéennes avaient des relations étroites, c'était surtout un système de relations familiales, claniques. Les notables levantins travaillaient ensemble, entre cousins autour du bassin méditerranéen. Ainsi on retrouve des noms de familles de ces notables dans différentes villes méditerranéennes : le Boulevard Sakakini à Marseille et le quartier Sakakini au Caire, par exemple. C'est un échange de liens économiques, culturels et sociaux. On peut dire qu'il y a eu un mode économico politique commun de ces villes au18e et 19e siècles. Murielle Fourlon : Qu'elle est la part du mythe et de la réalité dans le modèle andalou ? Robert Ilbert : Le modèle andalou est une construction historique du 18e et 19e siècles qui a été reprise et mise en valeur au 20e siècle parle monde arabe et les Espagnols pour faire oublier la période de la Reconquista. Le modèle andalou est aussi un système pluricommunautaire. C'est un modèle important qui a prouvé et qui peut peut-être encore prouver la possibilité de vivre ensemble. Maintenant reste à savoir si aujourd'hui c'est encore possible ? Si ce système peut fonctionner ? Ces questions se poseront lors des Rencontres. Les réponses relèvent de la sociologie. Je pense que les intellectuels et les créateurs ont un rôle de réflexion à avoir sur ce thème. Pour moi, un intellectuel a deux fonctions : créer des liens et analyser ces liens. Ces rencontres ont pour but de discuter ensemble, de poser des problèmes et d'aller au-delà du simple voile idéologique, de la construction historique. Murielle Fourlon : Les rencontres d'Averroès se dérouleront à Marseille, elles auraient pu se passer à Paris. Le fait que l'Institut du Monde Arabe vienne à Marseille n'est-il pas le signe d'un changement entre les relations Paris/Province ? Ou le signe d'un changement dans la ville de Marseille même ? Robert Ilbert : Marseille a besoin de transformer son discours culturel et idéologique. Mais ce n'est pas un fait nouveau. Depuis 15 ans, se développe une reelle stratégie pour faire de Marseille la porte de l'Orient. En novembre 1982 et jusqu'en février 1983, à l'initiative de Gaston Defferre et d'Edmonde Charles-Roux, 17 expositions s'étaient déroulées dans toute la ville ayant pour thème : « l'Orient des Provençaux ». En1980-1981, les Archives Municipales proposaient une grande exposition sur les Cahiers du Sud, dont un colloque sur le modèle andalou. « Marseille, Porte de l'Orient » n'est pas une idée nouvelle. Aujourd'hui le thème est repris mais dans des conditions différentes. Tout le monde sait que Marseille connaît de graves difficultés économiques, ce qui n'était pas le cas dix ans auparavant. De plus il y a un impératif régional avec le projet Euro Méditerranée. Murielle Fourlon : Pensez-vous que ces rencontres peuvent aider à donner une autre image de Marseille ? Robert Ilbert : En 1981, il n'y avait pas de relais économiques, culturels pouvant faire sortir Marseille de son image négative, sont-ils présents en 1994 ? Murielle Fourlon : Les initiatives dans le domaine culturel surtout ayant pour objet la Méditerranée foisonnent, s'agit-il plus d'une mode que d'une réelle prise de conscience ? Robert Ilbert : Oui, on peut parler de mode même si celle-ci va durer longtemps, elle est liée, entre autre à la réorientation de la Communauté Européenne vis-à-vis du bassin méditerranéen. Murielle Fourlon : Vous êtes à l'initiative de la Maison Méditerranéenne des Sciences de l'Homme, quel est le but d'un tel projet ? Robert Ilbert : La Maison Méditerranéenne des Sciences de l'Homme veut être un phare de la recherche sur la Méditerranée. Les travaux débuteront en février 1995 et elle sera opérationnelle à la rentrée 1996. La Maison s'installera au Jas de Bouffan à Aix-en-Provence. Le choix d'Aix s'explique par le fait que c'est le centre historique de l'enseignement des sciences humaines. C'est dans une logique de relations étroites Aix-Marseille, il ne s'agit pas de rentrer dans la petite guerre que connaissent les deux villes. L'idée de cette maison est de réunir les potentiels de recherche sur la Méditerranée. Tous les centres de recherches, qui existent déjà, de différentes disciplines seront réunis dans un même bâtiment. Cela va débloquer plus de 3000m2 de locaux à la fac de lettres. Les cours de troisième cycle s'y dérouleront, c'est à dire les cours de maîtrise, DEA et post-Dea. Ils s'appuieront sur les laboratoires de recherches. La fac a une grande force, c'est le seul endroit où il y a une concentration aussi importante de chercheurs. L'ancienneté est un atout colossal. L'enseignement, la recherche historique sont l'héritage direct d'historiens comme Georges Duby. Depuis 50 ans, il existe un travail de recherche sur la Méditerranée. Il ne s'agit donc pas d'une mode ici.
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